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Chapitre 2 : Survivre

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-Où se cache-t-il bon sang ? Ca fait plusieurs semaines qu’on n’a plus de nouvelles !

Le lourk massif rugissait dans la salle, frappant violemment son poing sur la table, sa voix résonnant à travers la salle. Ceux qui l’entouraient reculèrent de quelques pas, craignant que sa colère ne se dirige vers eux.

-Personne n’a la moindre idée d’où il se trouve ?
-N-Non Seigneur Larine, dit apeuré un des lourks présents. La guerre avec les hommes empêchent nos unités de le traquer efficacement.
-Et c’est quoi cette histoire ? Un humain est avec lui ?
-L-Le témoin est formel, il était accompagné d’une humaine.
-Comment se fait-il qu’un lourk et qu’une humaine qui voyagent ensemble arrivent à passer inaperçus au beau milieu d’une guerre ?

A cette question, nul n’eut de réponses. De rage, le lourk empoigna une lourde chaise et l’envoya se fracasser contre le mur, faisant reculer davantage ses conseillers.

-Toi là !
-O-Oui, Seigneur ?
-Contacte les traqueurs. Dis-leur que j’ai un juteux contrat pour eux.
-L-Les traqueurs ? Mais Seigneur, vous n’y pensez…
-Contacte-les ou tu auras ma lame dans tes tripes.
-T-Tout de suite Seigneur.

Le lourk prit sur la table le portait d’un semblable portant de riches habits et un fin diadème cerclant des cheveux d’argent.

-Je te maudis Ankan. Crois-moi je te retrouverai, vociféra-t-il avant de jeter le portait au sol.

Depuis le début du jour, Ankan, Ailane avaient quitté leur sentier pour s’enfoncer dans la forêt, toujours en compagnie des deux fées Althéa et Carvi. Selon la jeune femme, ils s’étaient trop avancés dans le nord et de ses plaines inhospitalières, elle les avait amenés alors à changer de direction et d’aller à l’ouest. C’était plutôt risqué, car jusqu’à présent le groupe voyageait dans des zones plutôt désertes, libres des stigmates de la guerre entre les humains et le monde magique. L’ouest signifiait plus de monde et plus de conflits, Ailane en était parfaitement consciente, mais ils devaient regagner au moins une petite bourgade pour se ravitailler. Après deux longues journées de marche sans histoire, le groupe tomba sur les premières traces du conflit. Dans une clairière où siégeaient de nombreuses souches d’arbres fraichement abattus, il y avait là un monticule noir comme cendre, d’où s’échappait l’odeur du bois, du cuir et de la chair brûlé. Ankan ne put s’empêcher de poser sa main devant son visage, imité par Althéa et Carvi. Ailane s’approcha prudemment du monticule encore fumant et l’examina d’un coup d’œil, le regard teint de colère et de peine. Elle entraperçut les restes d’une poupée de chiffon au pied du charnier. Ailane planta son bâton dans le sol, furieuse : guerre de pacotille qui avait jeté trop de gens dans les bras de la mort. La jeune femme ne s’attarda pas et se contenta de faire quelques pas autour, son regard balayant la scène. Mais il n’y avait plus rien, tout avait été rassemblé et brûlé, les humains comme leurs possessions. Ankan s’approcha de la jeune femme et posa délicatement sa main sur son épaule. Ailane prit une profonde inspiration pour tenter de se calmer :

-Il vaut mieux que nous ne restions pas dans les parages. Ce qui s’est passé ici n’a pas plus de quelques heures. Il peut y avoir du monde dans le coin.
-Est que ça va ?
-J’irai mieux quand nous n’aurons plus ce massacre en vue, dit Ailane en reprenant son bâton.

Ankan acquiesça légèrement puis suivit la jeune femme qui reprit la route, ne pouvant s’empêcher de jeter un dernier regard en arrière.

Cette sinistre rencontre fut suivie peu de temps après par une autre, vivante. Alors qu’ils se trouvaient dans des hautes herbes, Ankan plaqua au sol Ailane juste à temps pour ne pas se faire repérer par un contingent important de lourks, lourdement armé. Masqués dans la végétation, le groupe resta immobile, laissant les soldats passer. Ankan eut une légère pointe au cœur de se cacher ainsi des siens, mais il n’avait pas le choix. S’ils étaient vus, il serait immédiatement pris pour un traitre pour se trouver en compagnie d’un humain. De plus, ils ne portaient pas de blason et pourraient tout aussi bien faire partis de ceux qui le recherchent. Le groupe grimaça quand plusieurs lourks se tournèrent dans leur direction. Aussi discrètement que possible, Ankan lança un sort pour masquer leur présence, tant physique que magique. Ailane tint fermement dans une main son bâton et attrapa une de ses fioles dans l’autre. Althéa et Carvi se blottirent contre Ankan tandis qu’il faisait naitre dans sa main une boule lumineuse. De longues secondes passèrent alors que les lourks se trouvaient à quelques pas à peine des voyageurs. Ils finirent toutefois par se retirer et rejoindre le reste de leur groupe, reprenant leur lente marche. Ailane et Ankan attendirent encore un moment avant de se relever avec prudence et ne reprirent leur chemin que lorsqu’ils n’entendirent plus les pas des lourks. Relâchant sa poigne sur son bâton, Ailane rangea sa fiole alors qu’Ankan faisait disparaitre sa sphère de lumière.

-C’était un petit groupe éclaireur, indiqua Ankan. Il doit y avoir un camp non loin. Nous risquons de croiser de nombreux lourks.
-Alors nous allons devoir être prudents.

S’enfonçant davantage dans la forêt, Ankan remarqua rapidement qu’Ailane ne cessait de regarder dans la direction vers laquelle le contingent de lourks s’était dirigé. La jeune femme avait quelque chose en tête, il l’aurait parié, mais il préféra se concentrer sur la surveillance des environs. Lorsque la nuit tomba, ils s’arrêtèrent mais cette fois-ci pas de feu ni aucune lumière : si des lourks se trouvaient dans la région, pas question d’attirer l’attention. Ailane prit le tour de garde, en coupant court aux protestations d’Ankan. Il s’endormit finalement avec les fées, laissant la jeune femme surveiller tant bien que mal les environs. Le tour de garde fut difficile : l’absence de lumière obligea Ailane à se concentrer davantage, devant faire fi des gargouillements de son ventre affamé. Le groupe n’avait plus de nourriture depuis ce matin et ni Ailane, Althéa ou Carvi n’avait trouvé de quoi manger. La jeune femme se mit à réfléchir à ce qu’elle avait pensé la journée et se dit, au fil des heures, qu’ils n’avaient pas vraiment le choix. A savoir si Ankan serait d’accord mais elle savait pertinemment qu’il ne le serait pas. Continuant de ruminer ses pensées, Ailane en oublia presque de réveiller Ankan pour changer de garde. Le lourk fut difficile à réveiller mais il finit par se mettre en sentinelle, laissant la jeune femme se reposer. Au matin cependant, alors qu’Ailane dormait toujours, Ankan aperçut entre les arbres, un nouveau contingent de lourks, plus petit que celui de la veille, marchait droit vers eux. Aussitôt, il bondit au pied de la jeune femme pour la réveiller. Ailane ne dormait visiblement que d’un œil puisqu’elle fut sur le qui-vive en quelques secondes. D’un geste, Ankan lui fit comprendre qu’il fallait partir au plus vite. Accroupis, ils tentèrent de s’éloigner mais le contingent semblait au moins avoir vu les herbes bouger et s’approchait de plus en plus. Alors que les soldats étaient sur le point de découvrir les voyageurs, un long et puissant hurlement animal se fit entendre, détournant leurs attentions. Les lourks s’immobilisèrent, alors qu’un second hurlement résonnait, encore plus puissant. Un léger sourire apparut sur les lèvres d’Ailane alors que le contingent se détournait d’eux pour s’éloigner dans la forêt prudemment, dans la direction de ce cri. Quand ils disparurent de leurs vues, Ankan et Ailane s’éloignèrent, jusqu’à ce qu’ils s’estiment en sécurité.

-Nous avons eu chaud, murmura Ankan en reprenant son souffle.
-Heureusement que nous avons eu un coup de main. Sans cette distraction, il aurait fallu combattre.
-Quel était ce cri ? Je ne l’avais jamais entendu.
-C’était surement l’esprit de ces bois, intervint Althéa en s’extirpant avec Carvis de la tunique d’Ankan. Mais je me demande pourquoi il a réagi.
-Il ne l’a peut-être pas fait intentionnellement, réfléchit Carvi. Si ça trouve il ne savait rien de nous et était occupé ailleurs.
-En tout cas, cela nous a sauvés, conclu Ailane. Mais ces nombreuses patrouilles ne vont pas aider pour ce que j’avais prévu.
-Qu’as-tu en tête Ailane ?
-Nous avons besoin de provisions Ankan. Et comme tu l’as si bien dis, ces patrouilles indiquent la proximité d’un camp de lourks, qui possèdent surement des ressources.
-Tu es folle ? Tu voudrais t’introduire dans un camp ennemi pour voler de la nourriture ?
-Nous n’avons guère le choix, Ankan. La forêt ne peut plus nous nourrir maintenant, les plantes et les arbres commencent à s’endormir. Et avec le temps qui se refroidit et l’hiver qui s’approche, nous allons avoir besoin de beaucoup de forces si nous devons continuer notre voyage. Althéa et Carvi ont besoin de manger, elles aussi, le temps de l’hibernation vient aussi pour elles.
-Mais Ailane, ça reste dangereux. Les chances qu’on se fasse attraper sont trop grandes.
-C’est pour ça que j’avais dans l’intention d’y aller seule, j’aurai plus de chances de passer inaperçue. Vous, vous resterez dehors et ferez diversion en cas de problèmes.
-Ailane….
-Ankan, coupa la jeune femme d’une voix rassurante. Tout se passera bien, entendu ?

Le lourk restait contre cette idée mais finit par abdiquer devant le regard décidé de sa compagne de voyage :

-D’accord. Mais au moindre problème, si je sens que quelque chose ne va pas.
-Je m’en irai immédiatement rassures toi.
-Il faut maintenant trouver ce camp, soupira Ankan. Ce sera plus simple de suivre les patrouilles.
-Revenons là où on était. Nous pourrons remonter leurs traces.

Les voyageurs repartirent prudemment à l’endroit où ils avaient manqué de se faire repérer et commencèrent à remonter la piste du contingent, relativement facile à suivre tant il avait écarté les hautes herbes sur son passage. Quelques heures de marche furent nécessaires avant de finalement le trouver dans une importante dépression du terrain. Le camp était au premier abord juste un rassemblement de deux grandes tentes, entourées de nombreuses petites, le tout assez imposant pour contenir une centaine de soldats. Pas de défenses, pas de murs pour le protéger, juste des lourks qui faisaient des rondes.

-Ça me parait trop simple, un camp de soldats lourks en terre humaine sans défenses, dit Ailane.
-Ils utilisent un bouclier magique, lui répondit Ankan. De ce que je vois, celui-ci n’est pas la meilleure protection qu’on peut faire, mais il est largement suffisant contre des humains.
-Ces nombreuses patrouilles autour du camp vont être difficiles à passer. Une diversion serait bienvenue.
-Nous pouvons la faire, intervint Althéa. Nous n’avons rien à craindre des seigneurs lourks, nous pourrons détourner leur attention.
-Mais comment ma sœur ? s’interrogea Carvi. Nous les fées sommes incapables de mentir, la forêt ne nous le pardonnerait pas.
-Inutile de mentir pour les attirer ailleurs. Indiquer simplement que vous avez vu des humains dans la forêt près d’ici, cela n’a rien de faux, dit Ailane un sourire aux coins des lèvres.

Althéa et Carvi s’échangèrent un regard avant d’acquiescer.

-Attendons simplement le meilleur moment. A la nuit tombée, ce sera plus simple pour me dissimuler. Promis Ankan, en cas de grabuge je fuis immédiatement, rajouta Ailane en voyant le regard inquiet du lourk.
-Il y a intérêt.
-En attendant, trouvons nous un coin d’observation discret.

Le groupe se choisit un endroit en hauteur, donnant un large champ de vision sur le camp, au milieu des arbres et des fourrés les rendant invisibles. Au fil des heures, Ailane mémorisa les rondes et le schéma du camp pour éviter de perdre trop de temps. Althéa et Carvi, un peu nerveuses, discutaient de ce qu’elles allaient dire pour attirer l’attention des gardes. Ankan, tout aussi nerveux à l’idée qu’Ailane pénètre dans un camp ennemi, essayait de se calmer en réfléchissant à ce qu’il pourrait faire pour couvrir la jeune femme si elle devait fuir. Le bouclier n’était pas fait pour intercepter la magie lourk, aussi il n’aura aucun mal à lancer quelques sorts dans le camp en cas de besoin. Lorsque le soleil se coucha, le groupe se coordonna : Ankan resta en sentinelle dans les hauteurs, alors qu’Ailane, emportant leurs sacs vidés, Althéa et Carvi se dirigeaient vers le côté est du camp, celui qui offrait le plus de possibilité en cas de fuite. Alors que la jeune femme se dissimulait dans les herbes et masquait sa magie, les deux fées prirent une grande inspiration avant de voler à toute allure vers le camp lourk en criant. Les gardes levèrent leurs armes un instant avant de voir à qui ils avaient affaire.

-Dames fées, que se passe-t-il ?
-Nous-nous avons aperçu des humains non loin d’ici. Nous sommes très inquiètes pour notre sécurité.
Les gardes échangèrent un long regard :
-Avez-vous plus de détails ? Savez-vous combien ils sont ?
-Nous n’avons vu qu’un seul humain mais il parlait à d’autres. Nous avons eu trop peur pour s’approcher davantage.
-Que se passe-t-il ici ?

Les soldats se tournèrent pour voir arriver ce qu’il semblait être un supérieur.

-Ces dames fées ont aperçu des humains dans la forêt et sont inquiètes.
-Où les avez-vous vus ?
-Dans cette direction, dit Althéa en indiquant le nord, là d’où ils venaient.
-Très bien, soupira le supérieur.

Le lourk héla un groupe de soldats et les deux gardes :

-Vous, accompagnez les et trouvez-moi ces humains.
-Entendu, chef.

Les soldats se mirent en rang et suivirent Althéa et Carvi, qui les emmenèrent hors du camp. Ailane, tapie dans les herbes, attendit un moment avant de se lancer vers le camp, sous le regard inquiet d’Ankan. Profitant d’un instant sans gardes, elle se faufila au bord du camp, à l’abri des regards et examina de ses yeux clairs le bouclier, qu’elle ne percevait que grâce à quelques flux magiques. S’assurant que personne ne l’avait vu, Ailane inspira profondément avant de poser sa main au sol, les yeux clos. Quelques instants plus tard, elle se releva, apparemment satisfaite puis planta son bâton dans le sol.

Un bruissement dans les herbes détourna l’attention d’Ankan sur le camp. Althéa et Carvi étaient de retour, visiblement satisfaites :

-Où sont les soldats qui étaient avec vous ?
-Nous les avons égarés dans la forêt, ils mettront un moment avant de revenir. Où en est Ailane ?
-Elle est au bord du…

En se tournant de nouveau vers le camp, le lourk ne vit nulle part la jeune femme. Etonné, il fouilla du regard tout le regroupement de tentes mais Ailane n’y étais pas. Ankan espéra qu’elle était dans une tente en train de rechercher ce dont ils avaient besoin et attendit anxieux la réapparition de son amie.

Ailane réapparut une petite heure plus tard, surprenant tout le monde lorsqu’elle apparut à côté d’Ankan. La jeune femme était couverte de terre et le lourk ne put retenir un regard interrogateur vers la jeune femme qui décocha un sourire :

-J’ai dû usé de ruses pour ne pas me faire repérer. En tout cas, ça a payé, dit-elle en déposant les sacs remplis à ses pieds. J’ai pu avoir des vêtements plus chaud que ce que nous portons actuellement et de la nourriture séchée qui tiendra plusieurs jours. J’ai aussi trouvé des plantes comestibles pour Althéa et Carvi et médicinales pour moi.
-Tu n’as pas tout pris j’espère.
-Ils ont bien assez de réserves, je n’ai pris que ce dont nous avions besoin, rassures-toi, dit Ailane, non sans une once d’énervement dans la voix.
-Excuse-moi, je n’avais pas à dire ça. Je sais dans quel état sont les relations de nos deux peuples, mais malgré ma fuite, je dois avouer que je pense quand même aux miens.
-Ne t’excuse pas, je n’aurai pas dû m’énerver. Après tout, ce sont les humains qui ont commencé ce conflit absurde. Restons en-là et partons d’ici. Mieux vaut quitter le coin pour éviter les ennuis.
-Tu n’aimes pas voyager de nuit il me semble.
-Il va falloir juste que tu me guides et sois mes yeux. Je me contenterai de mon ouïe.

Le lourk acquiesça puis le petit groupe se retira dans la forêt, en direction du sud et s’enfonça rapidement dans la noirceur de la nuit.
© 2016 - 2024 ailane
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