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Chapitre 4 : Embuscades

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Une bâtisse qui ressemblait à une ancienne ferme, perdue dans une plaine à l’orée d’une forêt clairsemée. Devant elle, deux créatures l’observaient, pensivement. Deux créatures aux bustes humains et aux corps de cheval. Leurs grandes oreilles s’agitaient aux sons de la nature  tandis que leurs yeux sombres examinaient chaque détail de la bâtisse. Sur leur dos, de nombreuses affaires enveloppées dans des sacs.

-Il est temps d’y aller, murmura la centauresse.
-Nous devons faire vite, nous sommes déjà en retard, répondit son compagnon.
-Je ne pensais pas que cet endroit allait me manquer.
-Nous ne devons pas nous laisser aller à la nostalgie. Ce que nous avons à faire est trop important.
-Je le sais. Allons-y.

Un dernier regard en arrière, puis leurs puissantes jambes animales les portèrent à travers la plaine, vers leur destination.

Ankan se réveilla au milieu de la nuit, un bruissement à ses côtés l’avait réveillé. Dans le campement, tous dormaient paisiblement, la nuit était bien sombre. Le lourk se retourna, vers la seule source de lumière : les braises du feu projetaient leur lumière sur le visage d’Ailane, de garde. Ankan l’examina un moment sans bouger : la jeune femme avait les traits tirés, le regard dans le vague, les yeux à peine ouverts. Elle était ailleurs, il le voyait bien. La nouvelle des traqueurs à leurs trousses l’avait profondément bouleversé, au point que la jeune femme n’avait pas lâché un mot depuis deux jours. Lors de son tour de garde la veille, le lourk l’avait entendu se retourner frénétiquement dans sa couche avant de se réveiller, haletante. La journée, elle restait à l’écart, toujours avec sa mine tendue et soucieuse. Cette histoire de traqueurs inquiétait aussi énormément Ankan, mais visiblement, cela allait encore plus loin pour Ailane. Le lourk se leva, faisant relever la tête à son amie :

-Tu devrais aller dormir un peu. Je peux prendre la garde.

Aucune réponse.

-Ailane. Va te reposer, tu en as grandement besoin, insista Ankan et s’installant à côté de la jeune femme.

Ailane ne réagit pas davantage, se contentant de remettre sur son épaule sa couverture qui glissait lentement. Un long silence vint entre eux jusqu’à ce que le lourk sente une pression contre son épaule : son amie venait de poser sa tête contre lui et commençait à fermer les yeux. Manifestement, la fatigue l’emportait. Ankan n’osa pas bouger et il n’attendit que quelques minutes avant d’entendre la lente respiration d’Ailane endormie. La jeune femme s’était endormie en un rien de temps. Le lourk resta immobile et prit son tour de garde malgré lui, maintenant la jeune femme contre lui d’un bras. Lorsque Ralok se leva pour son propre tour, Ankan lui indiqua qu’il pouvait se recoucher et qu’il continuait la garde. Le lourk resta ainsi éveillé jusqu’au matin. Alors que le reste du groupe émergea lentement sous les rayons du soleil, il finit par secouer délicatement Ailane. La jeune femme eut du mal à ouvrir les yeux mais finit par se relever, apparemment surprise de se réveiller à côté d’Ankan, qui demande avec un sourire :

-Bien dormi ?
-Pas vraiment mais c’est mieux qu’avant.

Le lourk fut content de réentendre la voix de son amie après deux jours. Après un bon repas, la troupe reprit son périple. Afin de s’éloigner des traqueurs qui viendraient selon toute vraisemblance de l’est, il fut choisi de continuer la route vers l’ouest pour plus tard descendre vers le sud. Malgré la taille de leur groupe et la présence peu discrète du troll, deux jours se passèrent sans qu’ils ne croisent de potentiels ennemis. Mais la situation se compliqua par la suite. En espionnant les conversations d’une petite patrouille lourk, le groupe apprit que le vol d’Ailane dans le camp lourk avait fait augmenter le niveau de sécurité de toute la région. Les patrouilles étaient bien plus nombreuses et plus importantes. Cette nouvelle ne fut guère réjouissante et il fut décidé de se déplacer davantage la nuit que le jour. Si les êtres magiques n’eurent aucun problème, voyager sans vision était plus inconfortable pour Ailane, bien plus sur le qui-vive. Mais la jeune femme se consola la journée, pendant la garde, car là elle pouvait surveiller les alentours en sécurité. Le voyage fut aussi l’occasion de s’ouvrir un peu avec les autres. Les amis d’Ankan étaient très curieux auprès d’Ailane, car ils voulaient tous savoir sur elle et sur les siens. Le fait qu’elle ait aidé Ankan lors de sa fuite et ses affinités avec le monde magique intriguait beaucoup. Même Elyr, malgré son aversion visible pour la jeune femme, posait quelques questions. Ralok semblait beaucoup apprécier Ailane, à l’étonnement général. Les humains, par le passé, avait été d’une cruauté sans nom envers les trolls. De son côté, la jeune femme apprenait pas mal d’anecdotes sur Ankan et sur leur groupe d’amis très hétéroclite. Leurs histoires respectives agrémentaient leurs longues marches et soulageaient un peu la tension et la nervosité.

Une nervosité qui augmenta d’un nouveau cran quand, au cours d’une pause la nuit, Breyne aperçut des mouvements suspects au milieu des arbres. Ses yeux de chat décelèrent rapidement des silhouettes de lourk autour d’eux. Ralok repéra également la présence d’ennemis par son puissant flair :

-Nous avons de la compagnie.

D’un geste ample de ces mains, Elyr déploya une protection magique autour du groupe. A peine le voile bleuté toucha le sol qu’une salve d’attaques magiques vint s’écraser dessus. Myra, Breyne et Eryl générèrent à leur tour des projectiles de magie qu’ils envoyèrent à leurs ennemis. Ankan, peu doué dans l’art de la magie et Ralok restèrent immobiles, guidant les attaques de leurs amis. Ailane, entourée d’Althéa et Carvi, analysait tous les ennemis et réfléchissait au moyen de débloquer rapidement la situation. Elle rechignait avec tout ce monde a utilisé certaines capacités mais ce n’était plus le temps d’avoir ce genre de réflexions, tant pis. Ailane se tourna vers les fées et leur murmura quelques mots, en désignant à chacune d’entre elles un point précis. Puis elle leur donna une fiole chacune avant de laisser les fées s’envoler, un peu alourdies. Ankan aperçut du coin de l’œil Althéa et Carvi s’envoler mais il n’avait pas vraiment le temps de s’inquiéter de ça. Ailane surveilla attentivement les fées qui clignotaient faiblement. Althéa et Carvi stationnèrent, après un moment, là où Ailane leur avait indiqué, puis lâchèrent les fioles qu’elles portèrent. Leurs lumières s’éteignirent, la jeune femme frappa alors le sol deux fois avec son bâton. Quelques instants plus tard, le groupe entier sursauta quand ils virent deux ennemis surgirent de leurs cachettes en hurlant. A peine quelques pas et les deux lourks furent attrapés par des sortes de racines qui les entrainèrent sous terre. Un long silence s’abattit entre les deux factions avant que  trois autres lourks ne fuient, apeurés. Breyne, Myra et Elyr, remis de leurs surprises, n’attendirent pas et visèrent leurs ennemis à découvert. Ceux-ci n’essayèrent même pas de se défendre et tombèrent lourdement au sol, inertes. Une puissante voix rugit des fourrés :

-Bande d’imbéciles. Restez à couvert !

Entre temps, Althéa et Carvi furent de retour sous la protection magique et échangèrent une discrète frappe de mains avec Ailane. Cela avait fonctionné à merveille. Les ennemis venant de perdre une bonne part de leurs attaquants à distance, le groupe se décida à charger au corps à corps. Un regard de concertation puis Elyr brisa sa protection magique et tous se dispersèrent pour foncer dans les buissons et bien vite les bruits de combat reprirent. Ankan se joint à Elyr et retrouva bien vite la synergie de combat qu’il y avait entre eux, avant son départ. Myra et Breyne, éternels inséparables, sautaient sur leurs ennemis avec une aisance incomparable. Ailane avait rejoint Ralok qui se transforma rapidement en un berserker qui ne pouvait être arrêté. La jeune femme profita de la panique engendrée par l’arrivée en force de Ralok pour fondre rapidement sur leurs adversaires. Par paires, le groupe eut rapidement le dessus sur ses agresseurs qui étaient privés de l’avantage de la distance. En quelques minutes, les adversaires furent vaincus. Le groupe n’eut à déplorer que quelques égratignures, une légère entaille ici et là mais rien de grave. Mais alors qu’on poussait des cris de victoire, Ankan vit Ailane à quelques pas de là, semblant fixer intensément un objet dans sa main.

-Ailane ? Quelque chose ne va pas ?

Son amie ne répondit pas mais lui tendit alors ce qu’elle avait en main : un médaillon sur lequel était gravé une faux noire. Le symbole des traqueurs.

-Le combat était bien trop simple. Et puis j’ai trouvé ça.
-Des éclaireurs ?
-C’est pour confirmer les informations données par le contrat. Les traqueurs font toujours ainsi. Ils ont envoyé du monde pour nous trouver, nous identifier et ramener des informations à leurs maitres. Les traqueurs vont être mis au courant que nous sommes plus que deux et vont s’adapter.

De la crainte et de la colère se mêlaient dans la voix d’Ailane qui reprit le médaillon à Ankan avant de le jeter de toutes ses forces au loin.

-Il vaudrait mieux bouger. S’éloigner le plus possible.

Ankan acquiesça silencieusement avant que les deux ne rejoignent le groupe et indiquent qu’il valait mieux avancer. Personne n’omis d’objection, surtout lorsqu’Ankan révéla les commanditaires de cette attaque et tous reprirent une longue marche jusqu’en milieu de matinée. Là, fatigués, ils tombèrent sur une petite auberge, le long du chemin principale. Une auberge qui semblait occupée et bien fonctionnée à en croire les nombreux lourks qui entraient et sortaient. Le groupe ne s’attendait pas à trouver une auberge ici mais Breyne aperçut devant l’auberge une pancarte indiquant qu’ils n’étaient qu’à une heure de marche d’un village. Personne ne s’attendait à ce qu’ils se soient en fait autant rapprocher d’un point de civilisation. L’envie était grande pour beaucoup d’aller dans l’auberge pour profiter un peu du confort. Mais si l’un d’entre eux était reconnu, Ankan serait mis en danger et Ailane, en tant qu’humaine, ne pouvait se montrer dans une bâtisse lourk. Aussi, après un long soupir, le groupe se détourna de l’auberge et se chercha un coin tranquille, éloigné du sentier. La proximité de civils rendit les tours de garde un peu tendus mais le reste de la journée s’écoula calmement. Toutefois, la nuit se montra beaucoup moins calme, le groupe essuyant une nouvelle attaque. Moins nombreux, les assaillants ciblèrent davantage leurs attaques, toutes dirigées vers Ralok. S’ils furent rapidement défaits, le troll reçut quand même une blessure qui mit quelques heures à se soigner, malgré son fort pouvoir de régénération et les soins d’Ailane. En trois jours, chaque nuit, un membre du groupe fut ainsi attaqué spécifiquement.

-Mais bon sang, ça ne va pas s’arrêter, maugréa Eryl au matin du quatrième jour.

Après Ralok, Myra et Breyne, l’elfe avait été la cible de l’attaque de cette nuit. Leurs blessures n’étaient jamais très graves, mais elles étaient localisées de telle façon à gêner leurs mouvements. Ailane passait parmi les blessés pour soigner leurs plaies.

-C’est certainement pour nous affaiblir, dit pensivement Breyne.
-Ça marche bien, se plaignit Myra en massant son bras endolori.
-La situation n’est pas bonne, maintenant. Nous affaiblir ainsi…
-Indique que les traqueurs ne vont pas tarder à se montrer, conclut Ankan.
-Exact.

La tension était palpable au sein du groupe. Des nuits d’attaque continue, l’arrivée proche des traqueurs. Certains se demandaient si même ils n’allaient pas finir par attendre de pied ferme les traqueurs, juste pour pouvoir se reposer un peu. Les esprits se mirent à vagabonder pour un temps, faisant tomber un long silence quelque peu réparateur. Les soins terminés, Ailane s’éloigna un peu, accompagnée des fées. La fatigue pesait aussi sur la jeune femme et l’arrivée des traqueurs vers le groupe n’arrangeait rien. Elle le savait, elle le sentait. Une magie malsaine avait commencé à s’approcher d’eux mais elle seule le ressentait. Ca courait sur sa peau, la faisant frissonner, son cœur se serrait. Ces démons n’allaient pas tarder à sortir des bois et elle ignorait ce qu’elle allait bien pouvoir faire contre eux. Althéa et Carvi voyaient bien qu’Ailane n’allait vraiment pas bien et elles aussi avaient entendues des rumeurs sur les traqueurs. Les fées se contentèrent de se poser contre les joues d’Ailane qui eut un très léger sourire et murmura simplement :

-Ca va aller, ne vous en faites pas.

La jeune femme se ressaisit : elle n’avait de toute façon pas l’intention de finir entre leurs griffes. Ankan avait besoin d’aide, tout comme les fées et elle n’avait pas non plus oublié son propre objectif. Ailane se releva, prit une bonne inspiration puis retourna vers le groupe qui discutait de la suite des évènements. Ankan l’apercevant l’invita à se joindre à la conversation :

-Ailane, nous étions en train de nous demander ce que nous allions faire. On se disait qu’au lieu de courir maintenant, on pourrait attendre les traqueurs et en profiter pour mieux récupérer. Tu en penses quoi ?
-En soi ce n’est pas une mauvaise idée, mais il faudrait trouver un terrain qui nous est favorable. Sachant que leurs sbires ne vont pas arrêter avant qu’ils arrivent, il faudra aussi examiner toutes les possibilités afin que rien ne se retourner contre nous. Donc si vous aviez l’idée de piéger les traqueurs, mieux vaut le faire au dernier moment.
-Ca va être compliqué mais je préfère me préparer que courir.
-Il faut se hâter alors. Les traqueurs doivent être proches. Cherchons un terrain propice.

La recherche d’une aire de combat convenable fut difficile car la forêt n’était pas simple à gérer pour Ralok et sa taille imposante. Il lui fallait un espace plus dégagé. Ils finirent toutefois par trouver ce qu’ils cherchaient quelques heures plus tard avec une zone de la forêt plus clairsemée que le reste. Le groupe resta toutefois prudent et attendit patiemment la nuit avant de s’installer : ils voulaient s’assurer que personne ne venait dans les environs pour ne pas être dérangés. Quand la lune fut haute, le groupe s’attela à explorer la zone et à mettre en place différents plans d’attaques et de défenses suivant à quoi ils auraient à faire. Ils furent toutefois d’accord sur un point : quoi qu’il advienne, ni Ankan ni Ailane ne devaient se retrouver seuls. Etant les cibles du contrat, le groupe devait tout faire pour qu’ils ne soient pas à la merci des traqueurs. De manière inattendue, ils purent passer la nuit à faire des schémas de combat en toute tranquillité. Cette nuit-là, ils ne furent l’objet d’aucune attaque. Ce qui en soulagea certains mit mal à l’aise d’autres. Une partie du groupe craignit que l’absence des sbires n’annonce la venue des maitres. Aussi, on préféra se reposer, profitant de la nuit qui se finissait pour reprendre quelques forces. Au matin, après un rapide et frugal petit déjeuner, Elyr et Breyne profitèrent du jour pour examiner les possibilités de piège à mettre en place. Le groupe tentait de s’activer un peu plus, d’autant qu’un vent froid sévissait depuis l’aurore. Ailane, immobile depuis la levée de la brise, fixait sans un mot les bois.

-Quelque chose ne va pas ? demanda Ankan qui s’inquiétait.
-Ce vent n’annonce rien de bon.

Comme pour confirmer ses dires, une violente bourrasque frappa la zone, balayant les feuilles mortes et fouettant leurs visages. Puis Ailane aperçut ce qu’elle attendait avec le plus de crainte. D’étranges fumerolles noires se mouvaient avec les courants aériens et se dirigeaient lentement vers eux.

-Ils arrivent.
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